Il nous aura fallu du temps avant de nous décider à le chroniquer, celui-là. A la première écoute, on le voyait bien en possible « Album du mois ». Quelques jours plus tard, on en aurait bien fait notre « Flop ». En persévérant - parce que bon, on ne traite pas Billy Corgan comme ça à la légère - on a fini par lui trouver pas mal de qualités à ce premier album solo. Rien toutefois qui lui permette d’être considéré, à long terme, comme autre chose qu’une parenthèse un peu anecdotique entre la séparation de Zwan et la reformation des Smashing Pumpkins.
En studio, Billy Corgan a choisi de s’entourer de ses vieux complices Bjorn Thorsrud, Bon Harris (un membre de Nitzer Ebb) et Alan Moulder (qui a produit le fameux Loveless de My Bloody Valentine). Il a aussi fait appel à des guest-stars de luxe. Jimmy Chamberlin, tout d’abord. Juste retour des choses pour le batteur des Smashing Pumpkins qui avait convié un peu plus tôt Corgan à chanter sur son propre album solo, sorti sous le nom de The Jimmy Chamberlin Complex. Un temps éjecté des Pumpkins à cause de sa toxicomanie destructrice, Jimmy avait réintégré le groupe pour son dernier album en date, le crépusculaire Machina/The machines of God, sorti en 2000. Resté en bons termes avec Billy après le split, il allait devenir, à sa demande, le batteur de l’éphémère Zwan. On n’est donc pas vraiment surpris de retrouver les deux hommes associés sur The future embrace, même si ce n’est que sur un seul titre. Le morceau en question s’intitule Dia et compte parmi les plus inspirés de l’album. Corgan semble y avoir retrouvé une énergie et une fougue comparables à ses meilleures années au sein du combo qui en fit une superstar. La jeune Emilie Autumn, au violon, apporte à Dia une magie et une dimension tragique qu’on aurait aimé retrouver sur davantage de chansons...
L’autre invité prestigieux de The future embrace n’est autre que Robert Smith, le leader despotique de The Cure. On sait depuis longtemps que Fat Bob, comme il est de coutume de l’appeler, répond généralement présent aux invitations d’autres artistes. C’est ainsi qu’on a pu le voir ces dernières années aux côtés de noms aussi variés que Blink-182 (voir ici), Junior Jack, Junkie XL, Tweaker (ici) et Earl Slick. Billy Corgan, à qui il a été présenté lors du cinquantième anniversaire de David Bowie, en 1997, pouvait donc s’adresser à lui en toute confiance... De là à lui proposer d’enregistrer une reprise des Bee Gees ? Le groupe disco australien n’a, à priori, pas grand-chose à voir avec l’univers des Smashing Pumpkins et de Cure. Certes, les Happy Mondays ont un jour repris Stayin’ alive, mais on pouvait mettre ça sur le compte de leur démence et de leurs abus de stupéfiants... Les choses sont différentes pour Corgan et Smith. Autant dire que le pari était osé, mais ils ont décidé de le relever. Du trio de danseurs velus en chemises à cols pelle à tarte, c’est To love somebody, un hit datant de 1967, qu’ils ont choisi de s’approprier. Et le résultat est génial ! Robert ne chante que les refrains et sa voix, très touchante, y est superposée à celle de Billy d’une manière des plus surprenantes. Sur la dernière partie du morceau, on reconnaît aussi la guitare rythmique inimitable de Smith, à la fois profonde et émouvante. Il n’en faut pas plus pour qu’on parle d’un des plus beaux morceaux de l’année. Si un jour on nous avait dit qu’on serait figés de la sorte, béats, presque K.O. debout, à l’écoute d’un titre écrit par les frères Gibb, on aurait sans doute eu beaucoup de mal à le croire...
Les autres plages de l’album n’atteignent pas cette majesté. Pourtant, Billy Corgan s’y dévoile tel qu’il est, sans fausse pudeur, aux travers de compositions souvent minimalistes et de paroles parfois très personnelles (A100, Strayz,...). Un peu à l’image de la couverture et du livret de l’album. Pour la toute première fois, il nous y dévoile ce dont il a certainement eu honte durant son enfance et son adolescence : de disgracieuses taches de vin qui ornent une partie de son corps. Il a 38 ans et il s’assume enfin complètement. Une nouvelle vie commence. Et, même si l’album dans son ensemble nous laisse un peu sur notre faim, on continuera à suivre Billy Corgan de très près.
mercredi 17 août 2005, par Jérôme Delvaux
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