Billy Corgan FR

Lundi 27 Juin 2005
Nous louons une maison dans les collines de Hollywood dans l’Outpost Canyon, une belle et grande hacienda style espagnol prolongée d’une grande piscine qui a une vue sur toute la ville, à couper le souffle…l’idée est que nous vivrons tous sous le même toit, et ainsi nous serons ensemble, passerons de bons moments (nous nous rapprocherons, peut-être), et faire un grand album…mais il y a déjà un problème…James refuse de vivre dans la maison…la maison actuellement c’est moi, ma petite amie, D’arcy, Gooch (notre fidèle tour manager), Matt, et Bjorn…je supplie à James de rester avec nous, me sentant vraiment vexé qu’il ne veuille pas…pour moi c’est un signe de son manque continu de loyauté (et sa tendance à garder ses distances)…sans mentionner le fait que nous découvrons que c’est un problème une fois que nous arrivons à Los Angeles ?...il veut rester à l’hôtel, et donne un tas d’excuses minables quant aux raisons pour lesquelles il ne "peut" ou ne "veut" pas rester avec nous…D’arcy, comme d’habitude, prend son parti dans l’affaire, disant qu’elle se fiche de se que cela coûtera en plus, et si cela met James plus à l’aise, c’est tout ce qui compte…D’arcy, à ce stade des répétitions pour l’album, a été pratiquement inexistante au-delà des démos originales…ce n’est pas tant la faute de quiconque, c’est ma méfiance par rapport à elle en studio ajoutée à son apparente lente descente dans la folie et/ou les drogues (choisissez)…James adopte une approche du genre "appelez moi si vous avez besoin de moi" pour enregistrer, se détachant comme d’habitude (du groupe) pour rester ailleurs loin de nous et confortant le sentiment que j’ai toujours eu qui est que je n’ai vraiment pas besoin de lui… Kerry, le mari de D’arcy, va et vient dans la maison, mais il y a définitivement quelque chose entre eux qui ne ressemble pas (de l’extérieur) au bonheur…

Nous enregistrons au Sunset Sound, un célèbre studio sur Sunset Boulevard où les Doors enregistrèrent leur premier album (une énorme influence pour moi, donc j’ai pris ça pour un bon signe)…la pièce dans laquelle nous sommes tout les jours et là où Van Halen fit ses trois premiers disques (un autre bon signe)…je suis maintenant le producteur "de facto" donc c’est moi, Bjorn aux pro-tools et un ingénieur de L.A., Howard, qui s’occupera de la table de mixage, etc…Howard, bien qu’un peu conservateur (il n’aime pas Led Zeppelin !!!) se révèle être un gars bien, et finalement un ami, donc lui et Bjorn forment une sorte d’équipe qui m’apporte son soutient…(ils croient en ce que je fais, et m’encouragent beaucoup pour les mois à venir)…le groupe s’est mis à travailler sur une chanson qui s’intitulera par la suite "once upon a time"…le groupe est en cercle (c’est notre façon habituelle de travailler), avec moi face à la batterie…tout de suite, j’ai foncé droit sur Matt…je veux qu’il soit "Jimmy", et lève cette chanson plus haut…il est capable de le faire tout seul (dans son propre style), mais malheureusement je veux qu’il soit Jimmy, jouer juste comme Jimmy aurait joué…cela crée une dynamique impossible…sans le réaliser jusque là, ou l’admettre ouvertement (même à moi-même), je veux que Jimmy revienne…mais je me suis obstinément retiré dans un coin…quand nous (le groupe) virions Jimmy, juste quelques jours après l’overdose fatale qui l’a laissé face aux poursuites judiciaires (et la mort de Jonathan), nous avions parlé entre nous que cela ne serait qu’une chose provisoire…je disais "laissez le se reposer et se soigner pendant 6 mois, et après il pourra revenir"…James et D’arcy étaient tout les deux d’accord sur le fait que c’était la meilleure idée…le plan n’a absolument jamais été de le virer POUR TOUJOURS…l’honnête raison pour laquelle nous avions pris une position si ferme publiquement est que nous voulions et avions besoin que Jimmy croit qu’il n’y avait pas de retour possible…comme ça (c’est ce qu’on se disait) il ne ferait juste patienter qu’un moment, ou nous dire ce que nous voulions entendre comme toutes les fois d’avant (d’où les interviews dramatiques et les citations de "jamais, jamais plus" - en gros nous avons menti au monde entier!)…on se disait qu’il se soignerait (réinsertion, thérapie), nous appellerait pour s’excuser, demanderait à revenir, et puis la porte s’ouvrirait et nous serions là à bras ouverts…mais malheureusement cela n’est pas arrivé…alors que nous tournions sans Jimmy pour finir les dates restantes de Mellon Collie, notre propre amertume s’installa (comme fit la sienne pour avoir été abandonné), et bien sûr, il n’a jamais appelé (vu d’aujourd’hui, pourquoi aurait-il ?)…sans que je le sache pour la majeure partie, il est resté en contact avec Gooch en permanence …si j’avais une fois trouvé le courage de lui dire la "vérité/mensonge" sur son renvoi, (qui était plus une suspension), tout cela aurait été évité, et il aurait été assis face à moi, m’écoutant blablater sur l’arrangement de cette chanson, etc…il me manquait beaucoup maintenant, et j’avais besoin de son conseil pour faire cet album, mais ma fierté ne m’a pas permis d’admettre que la situation aurait pu être beaucoup mieux gérée par nous-mêmes (sans mentionner le fait que le laissant savoir cela de mon cœur, il était pardonné)…Matt a fait un travail de remplaçant très admirable, et maintenant, sorti de nulle part, je me braquais sur lui pour une situation dont il ne faisait pas parti (nous sommes même allé jusqu’à lui demander de faire parti du groupe, se disant qu’à ce stade Jimmy ne reviendrait vraiment pas)…tout ce que Matt faisait me paraissait soudainement "faux" à mes yeux, et comme quelqu’un qui veut mettre fin à une relation mais n’a pas le courage de dire "J’en ai finit avec toi", j’ai rendu la situation si misérable pour lui et moi qu’il est devenu inévitable qu’il parte…il faisait vraiment de son mieux, mais mon cœur avait déjà décidé…et donc, en juste quelques jours, peut-être une semaine après avoir commencé à L.A., Matt était sur le vol de retour pour Chicago…

Jusqu’ici, j’ai accusé le co-producteur, le batteur, ma ville natale, bien sûr James et D’arcy, et même Jimmy dans une certaine mesure pour m’avoir mis dans cette putain de position… je perdais la capacité de continuer à manger le sol sans payer aucun droit de passage…je refuse de voir vraiment ce que je me fais, ainsi qu’au groupe et tout le monde autour de moi…le studio devient une forteresse, où je ferme la porte pendant 12 heures et enferme le monde dehors…tout ce stress, et un conflit grandissant à propos de la situation actuelle, commence à déteindre lourdement sur ma relation avec ma partenaire…nous commençons à nous disputer tout le temps, habituellement quand je rentre à la maison la nuit…je suis piégé, mais je refuse de me rendre…le fait même de faire cet album (et écrire ces chansons tristes) est vraiment l’une des plus douloureuse expérience de ma vie…l’autre partie de moi (et de l’album) était tout ces "ils et eux", qui s’avéraient être quiconque ne comprenait pas ou n’était pas d’accord avec ce que je faisais…ce que j’ai vraiment besoin est de l’aide, pas pour l’album, mais pour moi…j’ai dessiné le cercle autour de moi, et poussé tout le monde en-dehors…

Donc nous nous sommes retrouvés au point où tout a réellement commencé en 1988, qui était nous trois et une boîte à rythme…avant que Jimmy ait rejoint le groupe, nous avons joué près de 12-15 concerts en tant que trio (avec une boîte à rythme que j’ai programmé pour sonner comme un "vrai" batteur)…donc j’essaie de mettre un élan positif et dis "revenons simplement à la façon dont nous travaillions au début"…cela ne paraissait pas anormal, car tout le monde retrouve son rôle des débuts…je pense que c’est peut être vraiment un retour à nos racines, pas juste au niveau du son, mais émotionnellement aussi…James et D’arcy semblent d’accord avec tout cela, et aucune discussion concernant le retour de Jimmy n’est abordée durant le reste des sessions…

La première chanson à laquelle nous nous attaquons (avant Matt) est une chanson que je venais juste d’écrire, première chose du matin…quand nous avons terminé de l’enregistrer, la chanson n’est même pas vieille de 3 heures…je vais au studio et programme un rythme très basique avec ma boîte à rythme (la même boîte à rythme porte chance que nous avons utilisé pour 1979)…nous 3 jouons en prise directe dans la pièce alors que je chante les paroles glacées et hantées dans un micro qui est habituellement utilisé pour enregistrer de la guitare…la chanson s’intitule "shame", et je répète ce mot sans cesse, bégayant (à la "Changes" de Bowie ou "My Generation" de The Who)…nous ne jouons la chanson que 2 fois pour s’exercer (même pas jusqu’au bout), et je crie "c’est partit", j’attends le signal (un pouce en l’air de Howard, et nous y allons) et j’appuie le bouton "start" sur la boite à rythme…*ba-ba boom, ba-ba boom*…la basse de D’arcy commence en premier, et joue immédiatement faux…j’attends, et après ma guitare l’interrompt lentement, mêlé aux delays car James utilise un système qui fait que sa guitare résonne très longtemps (comme un violon)…je joue sur une rare Jaguar à manche en érable, et le son est fin et douloureux…je chante pour ma vie, mon être est si glacial maintenant que la chair de poule couvre mon corps entier…c’est la peur et l’extase mélangées ensemble, et cela s’empare de moi…le groupe de 3 se sent unifié, en fusion et conduit doucement la vision…c’est le son qu’on peux obtenir quand on a joué de nombreuses années ensemble et qu’on joue une sorte de sentiment "dans le temps, hors du temps"…si on isole chaque instrument de chaque personne, on dirait sûrement que aucun ne joue particulièrement bien…mais d’une façon, ensemble, nous créons un son alchimique planant de transformation, et on n’y pense pas trop car ce tour magique est arrivé tellement de fois…les paroles forment une ébauche, gribouillées sur un morceau de papier, et je ne suis même pas sûr de ce que je chante quand je les exprime, mais je vais chercher chaque mot comme une prière…c’est comme regarder un film qu’on a créé mais on ne sait pas comment tout cela va finir…la musique, la chanson semble continuer pour toujours, et on espère silencieusement qu’on ne va pas faire une erreur qui rompra le charme…et ensuite, le son s’éteint, c’est fini…il y a un silence inconfortable entre nous alors que les fantômes quittent la pièce…tout le monde retourne inconsciemment au rôle qu’il est supposé jouer dans cette histoire…mais dans ces instants envolés, nous ne sommes qu’un…


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 Traduction par Matcada et Antoine Leruste. Copyright 2005. Tous droits réservés. Toute reproduction est interdite sans autorisation écrite.

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