Billy Corgan FR

Dimanche 13 Novembre 2005
Je ne l’avais pas revue depuis la fin du lycée…elle venait juste d’avoir 15 ans lorsque nous sommes sorti ensemble, si on pouvait appeler ça comme ça…J’étais plus âgé qu’elle quand je l’ai rencontrée, puis nous avons traîné ensemble quelques temps et ensuite cela a dérivé…nous ne nous étions même pas embrassé une fois, au-delà d’un baiser maladroit sur la joue ici ou là…quand je la déposais chez ses parents, il y avait toujours un silence artificiel d’étonnement, et je ne pouvais dire si j’étais supposé faire un mouvement vers elle ou si cela était une tentative délibérée de la ramener chez elle car je ne l’intéressait pas vraiment…elle était, et elle est toujours, la fille la plus calme que j’ai connu de toute ma vie…elle ne parle tout simplement pas, pas du tout !! Même quand on lui pose une question directe, elle regarde avec ses yeux triste et sans expression qui pourrait dire n’importe quoi, et on peut attendre aussi longtemps qu’on veut avec très peu de chance de trouver ce qu’on cherche…même à l’heure actuelle, elle est toujours très belle, une lionne avec un visage pure et frais qui ne se flétrira jamais…

Elle m’emmène dans sa voiture, une jolie voiture, une sorte de  voiture de société, pour sortir aller manger un bout…nous ne nous étions pas revu du tout depuis environ 7 ans, perdant totalement contact après que j’ai été diplômé…j’ai pensé plusieurs fois à elle, parce qu’elle était cette vision intacte de ma jeunesse…elle avait l’habitude de venir me voir dans la maison des Stoner où je vivais après avoir été jeté dehors, quelques mois avant mes examens…elle aimait tellement Duran Duran en 1985 qu’elle pleurait de vraies larmes, assise seul sur les genoux devant sa télé quand ils sont apparus à l’écran (la seule réelle émotion que j’ai jamais vu de sa part )…ainsi nous essayons de rattraper le bon temps, et je réalise maintenant qu’elle n’a pas vraiment beaucoup changé…mais les choses changent, même si c’est subtil, et je la vois toujours comme un enfant, en n’accordant pas de reconnaissance à la femme assise a coté de moi…elle n’a vraiment pas vieilli d’un brin, et ne dis toujours pas grand-chose, mais quand elle le fait, elle révèle un intellect vif et sec…la regardant, à condition de faire attention, l’innocence est partie, remplacée maintenant par une douce conscience auquel personne n’a accès…elle ne paraît pas avoir été blessée, au contraire, les évènements se corrèlent simplement car elle est juste sur la trajectoire normal de la plus part des gens : enfance, bac, faculté, diplôme, bon job, style de vie moderne, peut-être un mari plus tard…elle a toujours pensé que j’étais un peu étrange de toute manière, alors me voir ici, maintenant, ne la dissuade ou ne l’enflamme pas dans son opinion qu’elle a déjà de moi qui est que je suis un ranger solitaire…je la questionne à propos de sa façon d’agir avec moi auparavant… "est ce qu’au moins tu m’aimais à l’époque ? je n’ai même jamais su si je pouvais t’embrasser ?"…elle se confie alors à moi, elle m’appréciait vraiment, et je lui ai manqué après avoir quitté notre ville natale…je lui dis qu’elle aurait dû tout me dire à l’époque, mais cela ne semble plus avoir d’importance maintenant que nous vivons dans des mondes séparés…elle m’a trouvé a cause du succès du groupe, d’une manière ou d’une autre en glissant un mot ou en disant a quelqu’un de me dire qu’elle était à un des concerts…bien sûr, je me suis rappelé d’elle tout de suite, car elle appartenait a une part de mon innocence, un amour à sens unique pour toujours à mes yeux…c’est donc de cette manière que nous avons repris contact…

Après avoir mangé, nous avons une conversation normale à propos d'où nous devrions aller, ou ce que nous devrions faire ensuite...cela fait tellement longtemps que nous ne nous sommes pas parlé qu'aucun de nous deux ne veux que la nuit ne finisse déjà...elle vit quelque part près d’ici, mais parce qu'elle ne connaît pas assez bien le voisinage elle dit que je devrais choisir quelque chose à faire…je dis que je n'ai vraiment pas envie de sortir et qu’il n’y a pas d’endroit vraiment terrible où aller de toute façon, surtout en tout début de soirée…l'endroit du groupe se situe en bas de la rue, cela semble donc évident, et je la fait sourire quand je lui dit que je vis aussi là...elle ne comprend pas pourquoi je voudrais vivre dans un garage de parking, supposant correctement qu’avec le succès que j'ai, je devrais vivre dans un bel appartement ou quelque chose de mieux en tout cas...j'essaie de lui expliquer les tenants et les aboutissants de mon âme versatile et abîmée, mais cela met en quelque sorte en scène les anciennes dynamiques entre nous où j’essais de l’atteindre et elle semble s’éloigner…

En marchant, je lui montre où je travaillais auparavant, et trahi quelques commérage de voisinage…je l’emmène à l’intérieur et lui montre les alentours, ce qui ne représente pas grand-chose à voir mais qui est un étrange contraste avec le succès dont je viens de parler…il n'y a nulle part où s'asseoir mis à part le canapé en cuir, alors nous faisons plouf tout les deux dans le canapé et discutons à propos de la vie et de nos objectifs...toutes sortes de conversations qu’on peut avoir avec quelqu’un qui nous a connu assez longtemps pour nous avoir connu avant d’avoir changé, et parce que cette personne est capable de tracer un trait entre les deux points, elle peut sentir si oui ou non notre véritable moi est impliqué d’une manière ou d’une autre…elle était toujours un peu plus obscure que moi, donc la vibration de cet espace miteux ne contraste pas vraiment avec nos personnalités : elle est la travailleuse triste, je suis le prince noir dans un donjon à mon image...d’une façon ou d’une autre, à travers le temps, l’espace et la relation antérieure tout cela prend un sens et les années disparaissent…

Nous manquons de choses à dire et cela commence à devenir vraiment calme, mais je ne veux pas qu’elle parte….elle ne semble pas particulièrement pressé de partir quelque part de toute façon, alors je saisie la chance et lui avoue combien j’étais troublé par elle quand j’étais avec elle quelques années auparavant…combien son silence me rendait incertain car il n’y avait rien que je puisse faire pour communiquer avec elle, et combien je tenais vraiment à elle…je lui dis toutes ces choses maintenant avec la confiance que rien de cela ne peut me faire de mal, ou pourrait lui faire du mal car tout cela fait parti du passé…alors que je parle, je me rends compte qu’il y a une part de moi qui cherche encore des solutions et qui veut encore donner du sens au fait que mes sentiments et mes émotions étaient réelles et n’étaient pas juste un coup de cœur d’adolescent, et si elle me sentait vraiment au travers de son étrange confusion…c’est un de ces rares moments de la vie où on peut revenir dans le passé, et à une autre époque revivre ce qui ne s’est jamais passé mais reste pourtant en attente en nous…nous somme tout les deux dans cette voiture 7 ans en arrière, accroché à ce bref moment, me demandant si je dois l’embrasser…

je la rapproche de moi et nous commençons à nous embrasser passionnément…c’est très étrange d’embrasser soudainement quelqu’un qu’on connaît depuis tellement longtemps sans l’avoir jamais touché, et sans penser le faire un jour…le souvenir sensoriel de ce à quoi cela ressemblerait est très ancien, des nouvelles informations effacent la responsabilité persistance d’adolescent mais qui est rapidement et régulièrement détruite par une toute nouvelle pensée…je ressent un incroyable mélange d’acceptation agitée de cela et de culpabilité d’adulte…je contourne cela, car je la veux maintenant, et il n’y a pas de parents ni d’école ni de chansons de Duran Duran pour me faire obstacle…nous sommes dans ce moment ensemble, mais elle aussi impassible sexuellement qu’elle le serait à la lumière du jour…elle me répond davantage à partir d’une bonne volonté de me laisser s’approcher d’elle plutôt que d’un besoin de me traîner là ou elle se trouve…comiquement, il y a peu de choses dans ses yeux montrant qu’elle a enclenché une vitesse, ou que nous entrons dans un territoire brûlant qui est interdit…je la déshabille, la touche, sens la chaleur de son corps…c’est aussi beau que je l’ai souhaité depuis tellement longtemps, et j’ai l’impression qu’elle se souvient de qui j’étais de façon claire, et c’est sa façon de me dire "tout va bien se passer"…qu’il était inutile de s’inquiéter à l’époque, et il est inutile de s’inquiéter maintenant…nous commençons à faire l’amour, ce qui semble profanant dans cet horrible bunker…sa peau est blanche et translucide, joliment couverte de taches de rousseur comme si c’était peint avec un pinceau, chauffé par un tube fluorescent fonctionnant de façon capricieuse…nous bougeons maladroitement, essayant de se trouver au milieu de ce qui ressemble à une vieille folie endormie…nous chutons au delà de la ligne dans l’endroit où on ne se connaît pas…soudainement, elle est une fille que je connais à peine, et je suis un étranger…je veux l’aimer, me sentir proche d’elle, mais la vulnérabilité et le saut impudent au travers de l’espace et du temps rend cette réalité décalée…la sensation entre nous s’intensifie, devenant de moins en moins mystique et plus franche…finalement, son masque tombe, elle pousse des cris, et je la vois révélé devant moi, sa peau et son âme stérile….je me rends compte que plus que tout, c’est tout ce qu’ai toujours voulu d’elle, voir derrière le masque…le sexe a juste été un moyen à cette fin, et je me sens attristé d’avoir été si irréfléchi pour y arriver…sans l’avoir réalisé auparavant, ce que nous attendions l’un de l’autre était d’être vu, et être aimé…elle m’a fait attendre tellement pour la trouver, et peut être que maintenant cela est juste devenu notre façon de nous dire bonjour…ou peut être au revoir…nous nous revoyons une fois de plus après cela, la même danse renouvelée sous la même lumière, et ensuite elle disparaît…je ne l’appelle pas et elle ne vient pas me trouver, même si elle sait où je suis…



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Traduction par Antoine Leruste. Copyright 2005. Tous droits réservés. Toute reproduction est interdite sans autorisation écrite.

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